Je suis donc je pense #2

Je suis cette femme au ventre rond que tu regardes avec attention.
Tu crois qu’il faut me préserver avec des interdits : attention à la toxo, au gras, au sucre, à l’alcool, aux sacs lourds et aux gens encore plus lourds.
Mais attention, tu veilles à ce que j’aille bien travailler jusqu’au bout. La rentabilité, avant tout.
Je suis cette mère en devenir déjà jugée pour ce que je fais ou ne fais pas.
Je porte à la fois la vie dans mon ventre et le poids de l’éducation et de la charge mentale sur mes épaules.
Curieuse prise de conscience entre deux prises de sang.
Je suis forte, autonome et courageuse, et je peux continuer à vivre tout en donnant la vie.

Donc je suis jugée pour mes choix, que j’allaite ou pas ?
Cachez ce sein que je ne saurais voir, vision étriquée et érotisée d’un sein nourricier qui nous vaut la foudre dans l’espace public. Mais surtout ne donnez pas de biberon, l’allaitement c’est si bon, c’est recommandé, mais chez toi, en privé. 
Donc l’allaitement doit durer, mais pas trop.
N’oublie quand même pas de mettre rapidement ton enfant chez la nounou. La rentabilité, avant tout.
Donc retenez bien ça : mon bébé, mon corps, mon choix.

Je pense qu’il est difficile d’assumer qu’être mère c’est compliqué, qu’être mère ce n’est pas une vocation héritée.
Je pense qu’on peut me juger de vouloir être libre, volage, d’aimer l’amour et d’avoir des amants, libre de choisir une vie sans enfant, sans attache, sans responsabilité.
Inacceptable pour vous. Inavouable pour moi.
Je croule sous les injonctions à la vie rangée, à la maternité et aux poupées mais moi je voudrais hurler « plutôt crever ».
Je pense qu’il y a plein d’autres belles choses qui remplissent une vie, même si vous n’êtes pas de cet avis.
God(e) save the queen.